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De la forêt et du vent/16 mai 2019

RÉSUMÉ DE LA CONFÉRENCE PRÉSENTÉE PAR JEAN-CLAUDE RUEL 

16 MAI 2019

De la forêt et du vent : 30 ans de recherche à la Forêt Montmorency

Le chablis est un processus dynamique important dans les écosystèmes boréaux. En particulier, il contribue au maintien de la biodiversité en créant des ouvertures dans le couvert et en exposant le sol minéral suite au renversement des arbres. Même si on ne peut chiffrer exactement son importance, d’importants dommages ont été documentés et la crainte de chablis a contribué à limiter l’adoption de pratiques de coupes partielles.

Le chablis découle de l’interaction de nombreux facteurs, certains d’ordre météorologique, d’autres liés aux caractéristiques de sol et de peuplement. Finalement, les interventions sylvicoles peuvent contribuer à augmenter ou réduire le risque. Depuis la fin des années ’80, la Forêt Montmorency a constitué un laboratoire privilégié pour l’étude du risque de chablis et sa prise en compte dans l’aménagement forestier.

La prise en compte du risque de chablis nécessite d’abord de caractériser l’exposition au vent. Dans le cadre d’une étude sur le chablis dans les bandes riveraines, une essai en soufflerie a été réalisé à l’aide d’un modèle réduit du territoire de la Forêt Montmorency. En plus de permettre de localiser les sites les plus exposés, cette étude a servi à développer une routine servant à cartographier l’exposition au vent. Cette routine a été utilisée par le MFFP pour caractériser l’exposition au vent sur l’ensemble du Québec méridional.

Pour estimer le risque de chablis, il est nécessaire de comprendre les facteurs qui expliquent la résistance au renversement et au déracinement. La résistance au déracinement a été caractérisée pour le sapin baumier et l’épinette blanche à l’aide d’études de treuillage. Dans ces études, une traction est appliquée sur le tronc jusqu’à ce que l’arbre casse ou déracine et la force appliquée est enregistrée tout au long du processus. Il a ainsi été possible de constater que le sapin et l’épinette avaient une résistance comparable pour une même masse de tige.

Le sapin est toutefois reconnu comme plus vulnérable que l’épinette blanche à la carie, ce qui fait qu’il pourrait devenir plus vulnérable au bris de tige avec l’âge. Afin de vérifier l’impact de la carie, des billes présentant différents niveaux de carie ont été amenées en laboratoire et soumises à des tests de flexion. Ces tests ont permis de constater que plusieurs indices utilisés en arboriculture pour relier l’importance de la carie et la perte de résistance mécanique  performaient mal.

Ces connaissances ont ensuite été intégrées dans un modèle d’estimation du risque de chablis développé initialement pour les plantations d’épinette de Sitka du Royaume-Uni. Des simulations ont ensuite été faites pour évaluer l’impact de stratégies d’éclaircie commerciale pour une gamme de peuplements.

L’éclaircie précommerciale est souvent considérée comme un outil permettant aux tiges de développer une meilleure résistance par rapport à l’action du vent. Des essais de treuillage, combinés à des études dendrochronologiques sur les systèmes racinaires ont permis de constater un ajustement rapide du système racinaire aux conditions plus ouvertes. La résistance au déracinement pour une même masse de tige n’a pas été modifiée mais leur croissance accélérée leur permet d’avoir de pouvoir résister à des forces supérieures.

Des suivis de chablis après interventions sylvicoles ont aussi été conduits à la Forêt Montmorency. Une étude a été mise en place pour quantifier l’effet d’une coupe progressive prélevant 25% de la surface terrière. Cette coupe n’a pas conduit à une augmentation des pertes, celles-ci étant très variables et davantage influencées par la présence d’ouvertures adjacentes.

La Forêt Montmorency utilise depuis plusieurs décennies une stratégie de petites coupes totales dispersées. Cette stratégie permet une sélection plus fine des peuplements récoltés mais implique une augmentation de la longueur de lisières exposées. Une caractérisation des pertes en lisières a été faite par photo-interprétation pour la Forêt et un secteur de coupe adjacent du même âge, récolté selon les normes en vigueur en forêt publique. Il s’est avéré que la stratégie  de coupe de la Forêt Montmorency ne permettait pas de réduire les pertes par unité de longueur de lisière récoltée et, de ce fait, conduisait à des pertes plus importantes pour une même superficie coupée.

Une autre étude réalisée à la Forêt Montmorency a permis de tester l’effet de la largeur de la bande riveraine laissée après coupe et de l’éclaircie dans la bande. Encore une fois, l’effet dominant expliquant le niveau de dommages était l’exposition au vent. L’étude en soufflerie réalisée dans le cadre du projet a permis de constater un effet marqué d’élargissements locaux des vallées.

Depuis plus de 30 ans, la Forêt Montmorency a constitué un lieu privilégié pour les études sur le chablis et elle va continuer à l’être pour les années à venir. Une étude en cours permet de suivre en continu la vitesse du vent et la force appliquée sur des arbres individuels. Cette étude va permettre de raffiner les modèles existants d’évaluation du risque de chablis en intégrant la notion d’hétérogénéité des peuplements. Elle fournit aussi une occasion unique pour documenter l’impact du vent en hiver, ce qui n’a jamais été fait à l’échelle mondiale.

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